Barcelona !

 

Jean-Michel KANTOR

 
       "Barcelona ! ",c'est le seul mot qu'il faut savoir prononcer et on a tout compris! Noémie y est tout de suite arrivé, la prononciation est non-triviale mais l'incantation, la pointe d'accent contiennent l'atmosphère, le piment et l'humour qui valent le détour : Vàle !

Barcelona , c'est notre petite New-York, le traumatisme et l'océan en moins, la douceur de la Méditerranée en plus. D'ailleurs elle a quelque chose de la grande Pomme, avec ses  tags bariolés sur les palissades des  quartiers en rénovation un peu partout, comme le long du  Centre de culture contemporaine, ses affiches nombreuses de concerts de rock, ses foules bigarées. Me rappellent aussi New-York les plans d'urbanisme du quartier d'Eixample conçu comme un quadrillage aéré protégeant des petits jardins secrets dans chaque cours d'immeuble, et dominé par les "épouvantails à sorcières", les cheminées dessinées ,délirées par Anton Gaudi.

J'ai trouvé beaucoup de lieux calmes dans cette ville qui vibre, le long de la mer par exemple, où se promènent à vélo les riverains le dimanche, en oubliant les  masses affreuses de bâtiments touristiques du port, en rêvant  du retour de Christophe Colomb en 1493. Il  réapparaît dans un lieu magique, la Plaza del Rei, entre trois facades  le temps est enfermé, le long des trente mètres de la salle de banquet d'Isabelle la Catholique. On voit surgir Colomb venant présenter ses hommages à la Reine, mais non ce n'est qu'un violoneux qui nous fait partager, avec Bach, une émouvante acoustique.
 En bas de la Rambla, un peu à l'écart du tumulte cosmopolite, une grande ancre sert de balançoire aux enfants qui passent, les vieux, nombreux, s'arrêtent en souriant chaleureusement dans l'air doux venant  de la mer avec quelques mots en catalan ,il suffit de parler occitan pour comprendre. Près de là, une place calme à la vénitienne, où les mimes viennent s'immobiliser sous des masques divers, indiens ou cow-boys du Dakota grimés par des couches de peinture, princesse des Mille et une Nuits. Un démon enturbanné fabrique d'immenses bulles de savon qui vont enfermer la ville , dans nos rêves.

Barcelona-Gaudi folle comme lui ,Barcelona cherche  son Tabucchi ,suggérons-lui  de le chercher à Paris .En attendant elle s'est amourachée de Borges :  l'exposition " Cosmopolis : Borges y Buenos -Aires " nous raconte  Buenos -Aires , Barcelona et  toutes les villes du monde ,Babel incluse , avec un détour  en vrai  dans la Bibliothèque .
Au coin d'une impasse , encore une  épicerie  indienne ou  pakistanaise ,et le local du CNT rouge et noir ,les mêmes couleurs depuis  36.Les temps ont changé pourtant ,comme  nous le confirme l' ami Claudi ,mais il reste la volonté  d'autonomie ,vécue au quotidien .Claudi  dirige  brillamment  toutes les universités de Catalogne ,sans en référer le plus souvent    à Madrid . J'ouvre grand les yeux devant cette décentralisation réelle , favorisée il est vrai par l'histoire .

Barcelona ,Vale !