LA PASSION DE LA SCIENCE

Jean-Michel KANTOR

 

 

 

Nicolas Witkowski

Une histoire sentimentale des sciences, Seuil,331p.

17,21 Euros

 

 

Vincent Fleury,

Des pieds et des mains

Gense des formes de la nature,199p.

Flammarion, 20 Euros

 

 

Bernard RandŽ

Les carnets indiens de Srinivasa Ramajunan

 224 p. 10 Euros.

Editeur: CASSINI (Le sel et le fer )

 

 

 

Nos penseurs , nos gouvernants ,n'aiment pas la science. C'est une

tradition culturelle, malheureusement. Descartes  apprŽciait surtout  la

mŽdecine, et il a fait des Žmules.

J'Žcoutais l'autre jour des philosophes identifier brutalement modernitŽ ,  science et  technique ,et regretter, malgrŽ les protestations de  Pascal Nouvel, biologiste ,philosophe et auteur remarquŽ de  "L'art d'aimer la science "(PUF 2000) , la disparition de la   technŽ des Anciens et de    la  belle science contemplative de jadis.

Compltement faux : Quid par exemple du savant technicien  Archimde ? Bertrand Gille a montrŽ dans son oeuvre  combien nous sommes proches des travaux techniques de l'AntiquitŽ. Quant ˆ l'identification de la science avec la technique , l'invocation de Heidegger ne suffira pas ˆ nous faire confondre la bombe atomique et la thŽorie de la relativitŽ, ni le laser avec le principe d'incertitude de Heisenberg, encore moins la dŽcouverte de la double hŽlice et les problmes posŽs par les OGM.

Nous prescrirons donc  pour soigner ces confusions plusieurs lectures

revigorantes d' ouvrages rŽcents  passionnants et passionnŽs, ˆ digŽrer

lentement, en gožtant son plaisir de lecture pour approcher celui

de la qute du savoir.

   Commencer par quelques chapitres de l'ouvrage dŽsopilant de Nicolas Witkowski, "Une histoire sentimentale des sciences ". On n'a que l'embarras du choix, en compagnie de l'un ou l'autre de ces 

Personnages sympathiques vouant leur vie ˆ la recherche du savoir sous ses formes  les plus mystŽrieuses entre magie et science comme Kepler ou Newton ,amoureux du mystre comme Edgar Poe ,ou de nombreux autres. Prenez la charmante Ada Lovelace , ŽgŽrie de Charles Babbage et arrire-grand-mre de l'informatique (voir le langage informatique qui lui doit son nom) .Ou

encore Joseph Plateau, rendu aveugle probablement par ses

expŽriences sur la vision et dont les travaux sur les bulles de savon, avec expŽriences menŽes par son fils, conduisirent ˆ de magnifiques rŽsultats  mathŽmatiques (encore un  mathŽmaticien aveugle,ˆ mŽditer).Citons enfin James Clerk Maxwell, pre de la physique  statistique et de l'ŽlectromagnŽtisme. A lui tout seul il mŽriterait un ouvrage, pour l'efficacitŽ du pragmatisme expŽrimentateur anglo-saxon chez ce gŽnie bricoleur et mathŽmaticien ˆ la fois : ses modles de bouts de ficelles ont conduit Maxwell ˆ ses cŽlbres Žquations.

 

On se passionnera encore pour  d'Arcy Thompson, reliant la forme des

espces vivantes ˆ leur classification gŽomŽtrique, dans un unique

ouvrage, l'oeuvre de sa vie, "On growth and form ",o il crŽe  une

nouvelle discipline, la morphogŽnse.

Bien sžr il s'agit de nous distraire, et chaque chapitre n'est que le

dŽbut d'une piste ˆ emprunter si on veut en savoir plus :le chapitre sur

d'Arcy Thompson peut tre utilement complŽtŽ par l' oeuvre du regrettŽ RenŽ Thom,et celui sur Maxwell peut tre approfondi avec les livres de vulgarisation de Richard Feynmann. Mais l'ensemble est une rŽussite amusante ˆ  mettre dans toutes les mains .

 

C'est  aussi de morphogŽnse que nous entretient Vincent Fleury. Ce jeune chercheur en physique de la matire condensŽe a un  talent certain de communication scientifique, qu'il a dŽjˆ manifestŽ

par un premier ouvrage ; il pose avec des exemples simples la question fondamentale du domaine : comment naissent les formes ?  Les  nouvelles tendances de la rŽflexion aujourd'hui visent ˆ une vision dynamique des processus  de gense, bien ŽloignŽŽ des formes platoniciennes  Žternelles et de la beautŽ du nombre d'or mais plus proches des formes complexes -comme celles des fractales qui reposent  sur un  engendrement "par  autosimilaritŽ". Fleury nous invite ˆ deviner la naissance d'une nouvelle science, qui emprunte ˆ l'informatique, ˆ la chimie par l'intermŽdiaire du cŽlbre Alan Turing,et de  son importante  contribution ˆ la biologie thŽorique,qui explique par exemple les zbrures ou les motifs des coquillages,et aux mathŽmatiques ,en esprant mieux comprendre par exemple la forme -et donc aussi les malformations - de l'embryon.

 

Si toutes les potions prŽcŽdentes  ne  suffisent pas, dernier espoir pour

nos scientophobes qui persisteraient :un bain de dŽpaysement total

dans l'Empire britannique  chancelant, au sein d'une pauvre famille

de brahmanes, o le fils prodige, amoureux des nombres, Srinivasa

Ramanujan (1887-1920) couvre les pages de son petit cahier de

Formules mystŽrieuses qui lui vaudront une invitation dans le saint des saints de la thŽorie des nombres de l' Žpoque, l'UniversitŽ de Cambridge o officiaient les grands prtres Hardy et Littlewood.

Bernard RandŽ mle description des milieux savants, en Inde et en

Angleterre, ˆ l'aventure romanesque du jeune gŽnie.

Le mystre de son inspiration persiste, et certaines de ses formules ne

sont toujours pas dŽmontrŽes.

Bonnes lectures ..Bonne guŽrison !